Méli-mélo > Portraits de jardiniers > Un Jardingue en 1848 ?
Article publié le 19 avril 2015 et visité 258 fois. | |
Robert FORTUNE, célèbre botaniste écossais (1813-1880), pénètre en Chine clandestinement dans une région interdite aux étrangers. Il est habillé à la chinoise et affublé d’une natte postiche. Son but avoué est de rapporter des graines d’un fameux thé vert pour le compte de l’East India Company. Mais chemin faisant, son amour des plantes et sa curiosité lui offrent bien des sujets d’émerveillement et de convoitise. « Dans une de mes courses, à environ un demi-mille de distance, je remarquai un arbre au port majestueux, haut d’une soixantaine de pieds, ayant le tronc aussi droit que le pin de l’île Norfolk, et des branches tombantes comme le saule de Sainte-Hélène. Qu’était-ce ? Evidemment il appartenait à la famille des pins, mais il était plus beau et plus gracieux qu’aucun d’eux. Aussitèt je me dirigeai, ou, pour dire la vérité, je courus vers le lieu où il s’élevait, à la grande surprise de mes compagnons de voyage, qui crurent que j’étais devenu fou. Comme pour exciter d’autant plus mon imagination, il était couvert de fruits mûrs ; il fallait m’en procurer quelque- uns à tout prix. Mais l’arbre était enfermé dans un terrain clos de murs ; heureusement c’était le jardin d’une auberge. J’avoue que j’avais la tête montée au point de vouloir d’abord escalader le mur, et j’eus besoin de me raisonner pour ne pas le faire, et de me dire qu’en ma qualité de soi-disant Chinois, je commettrais tout au moins une inconvenance, si je me laissais aller à l’emportement de mes désirs. Je pris donc le parti d’entrer dans l’auberge, de m’asseoir tranquillement à une table et de commander un dîner. J’eus la patience de la consommer, puis de fumer une pipe avant d’aller me promener dans le jardin, où notre hète, formaliste et poli comme un Chinois, me fit l’honneur de m’accompagner. " Quel bel arbre vous avez là ! lui dis-je ; nous n’avons pas vu le pareil sur le littoral d’où nous venons ; seriez-vous assez bon pour nous donner quelques-unes de ces graines ? - C’est un bel arbre, en effet" répondit l’aubergiste, évidemment flatté de mon compliment ; et tout aussitèt il s’empressa d’accéder à ma requête. Je n’ai pas besoin de dire que je serrai précieusement les graines qu’il voulut bien me donner ; elles sont arrivées depuis saines et sauves en Angleterre, elles y ont bien réussi, et avant peu d’années nous pouvons espérer de voir embellir nos campagnes par cet arbre magnifique et charmant qui a reçu le nom de "funeral cypress" (cyprès funéraire). » Extrait de "La Route du thé et des fleurs", Robert FORTUNE, 1852. Réédité en 2002 dans "La Petite bibliothèque Payot/Voyageurs", c’est un livre pittoresque ou cet homme intrépide raconte ses mésaventures couronnées de belles découvertes. |
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